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De Pau à Canfranc par la vallée d'Aspe

Nichée au cœur du Béarn, la Vallée d'Aspe est riche d'une histoire et d'un attachement à la culture béarnaise. Entre panoramas splendides, villages de caractère et liaisons transpyrénéennes avec la Province d'Aragon, ces hautes terres ont toujours été ouvertes sur les passages : tourisme (randonnée, ski de fond au Somport et ski alpin à Candanchu), pèlerinages sur le chemin de St Jacques de Compostelle, échanges de marchandises (maïs des plaines fertiles du Béarn, oranges de la Province de Valencia, ...). Mais la vallée d'Aspe, c'est aussi le mythe de la Traversée Pyrénéenne par le rail avec l'un des deux Transpyrénéens ouvert par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi : le Transpyrénéen Occidental par Pau, Canfranc et Saragosse. Dès la fin du XIXème Siècle, une amorce de cette ligne voit le jour entre Pau et Oloron Sainte Marie en s'élançant à travers les coteaux de Jurançon. Dès 1914, cette amorce est prolongée jusqu'à Bedous avant d'atteindre Canfranc en 1928 au moyen de rampes faisant office de records en France : 43mm/m Malheureusement, dès 1936, après seulement 8 années d'exploitation, en raison de la guerre civile espagnole, la ligne est interrompue entre Les Forges d'Abel (dernière gare française avant le Tunnel du Somport) et Canfranc. Cette situation perdurera jusqu'en 1947 après que la situation se soit stabilisée à l'issue de la seconde Guerre Mondiale. Puis l'exploitation reprendra sa routine bien loin des feux de la rampe avec seulement un trafic omnibus local de Pau à Canfranc, quelques trains emmenant des Pèlerins venant d'Espagne et se rendant à Lourdes et quelques rames de marchandises transportant oranges, maïs, ... Cette routine durait depuis 23 ans, lorsque, le 27 Mars 1970, un train de maïs montant de Pau derrière les vénérables BB-4227 et BB-4235 datant de 1925 se mit à patiner sur le rail verglacé entre Lescun et Etsaut. Le conducteur et son aide, descendus pour trouver des cailloux à mettre devant les roues des locomotives pour leur faire reprendre de l'adhérence, virent alors soudainement leur convoi repartir en marche arrière en pleine déclivité de 35mm/m. Le train fou, lancé à grande vitesse sur cette portion de ligne où la vitesse n'excédait normalement pas les 40km/h dérailla et emporta un pont cage sur le Gave d'Aspe au lieu-dit l'Estanguet entre Accous et Lescun-Cette-Eygun. dans un bruit de fin du monde se réverbérant sur les parois de la vallée, les wagons de maïs disloqués, les deux locomotives éventrées et le pont métallique totalement éventré finirent précipités au fond du Gave dont les eaux se parèrent immédiatement de couleurs dorées, les grains de maïs étant emportés vers l'aval au gré du courant, tels des pépites d'or. Hélas, mille fois hélas, à cette même époque, la SNCF cherchait à se défaire de nombreuses lignes qui n'étaient plus rentables et le remplacement du pont de l'Estanguet, qui aurait pu être mené rondement (un tablier métallique était à disposition dans les stocks du Génie à Tarbes), ne fut jamais réalisé ce qui signa l'arrêt de mort de la section de montagne de cette ligne entre Bedous et Canfranc. Le trafic continuait humblement jusqu'à Bedous, mais, 10 ans plus tard, en 1980, le trafic de voyageur est transféré sur route entre Oloron et Bedous, suivi en 1985 par le trafic marchandises : à cette date, le transpyrénéen Occidental n'est alors plus qu'une antenne pyrénéenne de Pau à Oloron. Nouveau coup dur pour la ligne, en 2008, à la suite de la cession des terrains de la sous-station électrique d'Oloron, la ligne perd ce qui faisait une autre de ses spécificités : la caténaire Midi qui avait était inaugurée en même temps que la ligne en 1928! Et puis, et puis... ce 26 juin 2016 au petit matin, après des décennies d'efforts de la part d’associations fondées dès 1986 et de la part d'élus locaux et régionaux qui croient au potentiel de cette région, au départ de Pau, pour la première fois depuis 36 ans, les écrans d'affichage laissent paraître fièrement un trajet direct en train jusqu'à Bedous : tel un phœnix renaissant de ses cendres, les 25 kilomètres de ligne entre Oloron et Bedous venaient de rouvrir, certes sans caténaire, mais avec une voie toute neuve capable de durer des décennies. Il ne manque plus, désormais, que 33 kilomètres pour renouer le contact avec Canfranc et desservir au passage des localités pleines de charme telles qu'Accous, Lescun, Cette-Eygun, Etsaut et Urdos, autant de points de départs pour de mémorables randonnées vers Borce, vers le Chemin de la Mâture, vers le Fort du Portalet, ... Alors, laissez-vous porter et profitez du paysage en espérant que ces quelques photos et vidéos vous plaisent. Bon voyage à tous et toutes. Adishats!